CM du 6 octobre 2008 - Délibération 1 - E 001

Candidature de Grenoble à l’organisation des Jeux Olympiques et paralympiques d’Hiver de 2018

Intervention de Gwendoline Delbos-Corfield

Pour le groupe Ecologie & Solidarité – EluEs Verts, ADES, Alternatifs, l’idée de créer un événement fédérateur et durable est très séduisante. Cette candidature aux Jeux Olympiques pourrait provoquer de l’enthousiasme parce qu’elle apparaîtrait comme une aventure collective proposée aux Grenoblois, fédératrice et festive.

Mais faut-il attendre 10 ans pour faire la fête et réunir les Grenoblois et cela à des coûts faramineux ? Il existe des fêtes annuelles populaires dans beaucoup de villes du sud, et des événements festifs pour tous au Nord, comme la Brocante de Lille. Cela ne demande pas tant d’investissement, tous les habitants peuvent être partie prenante, et il n’y a pas besoin de payer pour sa candidature, ni d’attendre le résultat d’un concours de lobbying. Dès demain, nous pourrions avoir le plaisir de créer cette fête. Et surtout, elle serait sans aucun doute durable, puisqu’on pourrait la reproduire chaque année...

Mais l’unique délibération qui est soumise au vote lors de ce Conseil Municipal ne nous propose pas une fête durable, elle nous propose de candidater pour le lointain 2018 auprès d’un organisme international qui prendra des années à répondre mais qu’il faudra financer pendant tout ce temps-là....

Ce n’est pas aussi simple que ce que vous le présentez ce vote sur les Jeux Olympiques. Nous voilà ce soir tous réunis, en urgence, dans un conseil municipal annoncé il y a deux semaines et organisé en quelques jours. Déplacé de manière extraordinaire, dans des circonstances médiatiques fortes, pour que la population soit le plus largement conviée. On notera quand même que "le monde", la jeunesse et la mixité culturelle manquent un peu dans cette salle, ce soir. Et pourtant, on en a beaucoup parlé de la jeunesse à la tribune. L’intention, en revanche, était intéressante et nous espérons qu’il ne s’agira pas d’un cas d’exception... Pourquoi ne peut-on pas répéter la même procédure pour le vote du budget, par exemple ? Voilà aussi un moment de démocratie cruciale : les choix financiers d’une ville pour toute une année. Nous nous interrogeons aussi sur le choix des intervenants, uniquement des supporters de la candidature. Pourquoi ne pas avoir invité des associations environnementalistes ? Tout a été fait donc pour créer les conditions d’un conseil d’exception : retransmission en direct, mise en scène par les pupitres, théâtralisation du lieu. Est-ce que ce sont réellement là les conditions d’un débat démocratique serein ?

Ce n’est pas aussi simple que ce que vous l’imaginez ce vote parce que nous n’avons pas d’informations pour délibérer. Ni de budget, ni de dossiers sur les équipements et sites olympiques : il n’existerait quasiment pas de document officiel écrit. A nos demandes, le Maire nous répond qu’il ne peut transmettre d’information que de manière orale. Avec comme argument, la peur de l’espionnage entre collectivités : d’autres villes candidates pourraient voler les idées grenobloises. Pourtant Gap et Annecy ont délibéré dès 2006, et toute l’Allemagne connaît la candidature de Munich et les conditions qui l’accompagnent, quand nous sommes seulement en octobre 2008 en train de se pencher sur la question dans la plus grande précipitation. Munich annonce sans masques qu’ils ont un budget de 35 millions d’€ pour cette candidature. Mais, à Grenoble, la stratégie du secret nous empêche d’avoir un débat démocratique transparent. A quel budget se fier ? D’un côté, on trouve le chiffre de 24 millions d’€ à se répartir entre les 4 collectivités (Ville, Métro, Conseil général, Région) et de l’autre, le Maire vient de parler d’un possible 20 millions d’€ avec la moitié venant peut-être du privé. C’est inquiétant ce flou sur l’argent dépensé...

Et puis, ce n’est pas simple, quand même, de parler ainsi de sommes faramineuses d’argent public distribué à l’heure d’une crise financière grave. Les Jeux Olympiques sont-ils la priorité pour les habitants ? En juilllet 2005, suite à un sondage que la Ville avait commandé, les Grenoblois étaient 24% à être défavorables à la candidature. Aujourd’hui, s’il savaient les sommes financières énormes en jeu, et vu la baisse du niveau de vie, le nombre d’opposant n’augmenterait-il pas ? Aux yeux des Grenoblois, cette candidature est-elle vraiment crédible ? Il n’y a pas eu de débat public sur le sujet. Le problème pour les Grenoblois, et dès cette année, c’est que la candidature elle-même coûte beaucoup d’argent. De l’argent qui sera perdu pour tous si nous ne gagnons pas. PyeongChang, en Corée, est la ville grande favorite. Munich est très bien placée. Sur les 30 villes mondiales qui seront sélectionnées, quels sont sérieusement les chances de Grenoble ? Mais en attendant le rejet du CIO en 2011, au moins 20 millions d’€ auront été dépensés en fastes, lobbying et cérémonial. Ce n’est pas l’usage que nous préférons pour les impôts locaux.

Prenons maintenant la question de l’environnement, cette candidature est présentée comme ayant les atouts du développement durable. C’est ce qui la rendrait différente et nous permettrait peut-être de gagner. Comment comprendre, encore une fois, votre utilisation de l’étiquette « développement durable » ? Avec ce concept marketing global, le développement durable, tout est dit. Sauf que… Sauf que la même semaine de la publicité de cette candidature, une conférence de presse Chambre de Commerce et d’Industrie Pro-JO explique que « les JO, c’est bon pour le BTP et les infrastructures routières ». Il semblerait que les partenaires très privilégiés de cette opération n’aient pas bien compris la stratégie de communication à propos de la priorité donnée à l’environnement. Soyons clairs : permettre l’aboutissement de la rocade Nord, l’élargissement de l’A480, l’augmentation des capacités d’un aéroport, voilà ce qui est espéré derrière cette candidature. Les documents de campagne le disaient, le dossier de presse en automne 2006 en faisait déjà état, le partenariat avec la Chambre de Commerce et d’Industrie le confirme et la présence de son président, pour la première fois, devant le Conseil Municipal –lui-même l’a dit- nous le rappelle. Ces Jeux Olympiques hypothétiques pourraient être un accélérateur pour de telles infrastructures. Des actions en développement durable donc, mais tendance béton et pollution !

Par ailleurs, jetons un premier coup d’œil aux premiers frais engagés par cette candidature : 1, 8 millions d’€ pour de la neige artificielle fabriquée dans le parc Paul Mistral début décembre pour cette fameuse "fête de la Neige". Et on explique, devant les caméras, que si la chaleur est trop élevée quand se produira l’événement, « on avisera... ». Et bien donc, vous aviserez, tout en gaspillant allègrement de l’eau et de l’énergie et en donnant surtout une image dégradée des Jeux qui priment sur les considérations environnementales. Comment croire alors à une vraie démarche de développement durable pour cette candidature ? Les associations environnementales, pas dupes, espéraient cet été qu’au moins les Jeux seraient le moins nuisibles possible. Mais les voilà maintenant convaincus que les promesses de responsabilité et d’écologie ne peuvent pas tenir face au rouleau compresseur d’un événement tel que les JO. Neige artificielle en décembre, publicité et lobbying intensif tout au long de l’automne, voilà évidemment des choix financiers synonymes de développement durable.

Oui mais, oui mais certains pensent que la candidature aux Jeux Olympiques donnerait une bonne image à Grenoble et aux montagnes environnantes. Et vous êtes nombreux à nous le dire ce soir, beaucoup d’hommes d’ailleurs… Retombées économiques, prestige, construction de stations. Pas si sûr. La fréquentation touristique des Alpes et de l’Isère est en baisse. Les enquêtes montrent que si les Alpes ont perdu de leur attrait, c’est que les touristes recherchent avant tout une nature « authentique », en décalage avec les grosses infrastructures et la neige artificielle. Cette promotion des Jeux Olympiques confortera cette image d’un mode de développement en montagne tourné uniquement vers les infrastructures bétonnées et l’urbanisation. Cette candidature qui commence avec de la neige artificielle risque donc, au contraire, de dégrader encore l’image des Alpes. Et pourtant, nous vivons dans des espaces naturels contraints et fragiles.

Alors, pour finir, rappelons que le réchauffement climatique est deux fois plus rapide dans les Alpes qu’ailleurs. Pour notre groupe, cette question n’est pas anodine, elle impose une nouvelle réflexion sur l’avenir de nos villes. La dernière carte du GIEC - Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat- indique que les Alpes seront très touchées à court terme par le réchauffement. Si on prend en compte réellement ces bouleversements inéluctables que vont subir les générations présentes et les générations futures, alors les collectivités et les politiques doivent revoir leurs priorités. Cette candidature de la neige artificielle et du béton est décevante. C’est pourquoi, nous demandons qu’un débat démocratique public soit organisé. On nous a redit ce soir que tous, absolument tous les Grenoblois étaient partant pour ce projet… Et si on le leur demandait ? Ce débat doit se faire avec des informations précises et des budgets transparents. Les Grenoblois doivent connaître le montant de l’argent public engagé pour les 3 prochaines années, simplement pour la candidature. Tant de choses pourraient être faites, avec tout cet argent, pour le sport et la montagne : créer des pôles scolaires sur les sports et les métiers de la montagne, faciliter par des coûts abordables l’accès à la montagne, et pourquoi pas, je le disais en introduction, créer un grand événement populaire chaque année.... et pas une seule fois en 2018…

Merci

Délibération adoptée. Votes :

Contre : 6 (Verts, Ades, Alternatifs)

Pour : 53 (PS / UMP / MoDem / PC / Go)




Groupe Écologie & Solidarité
EluEs EELV, ADES, Alternatifs de la Ville de Grenoble

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