CM du 19 mai 2008 - Point d’information

Projet NANO 2012 – Crolles 3-Grenoble

Intervention d’Olivier Bertrand

C’est effectivement un dossier très important et nous tenons à vous rappeler, Monsieur le Maire, que ce dossier a fait l’objet, plus que d’une simple information, d’un vrai débat dans les autres collectivités concernées par ce dossier, même si le débat n’est pas allé jusqu’au vote puisqu’il y aura d’autres débats dans les hémicycles.

C’est un dossier important parce que le développement de Crolles est une chance pour notre territoire, mais encore faut-il raison garder et ne pas, en tant que collectivité locale, dépenser à outrance l’argent public.

Avant de se lancer sur ce projet de Crolles 3, il semble d’abord important de revenir sur le bilan de Crolles 2. Geneviève Fioraso l’a abordé en ouverture du débat, mais j’ai envie de dire que ce bilan qu’a dressé Geneviève Fioraso, il est vraiment repeint en rose. Il est repeint en rose parce que dans le document qui a été fourni aux élus de la Métro, du cabinet Reverdy, il y a un certain nombre d’éléments très intéressants à analyser. Je pense que si l’on veut être un peu plus sereins sur ce dossier, si l’on souhaite un choix plus partagé, il est important de ne pas sortir uniquement les éléments positifs : il est aussi important d’avoir la réalité de l’ensemble de ce qu’a représenté Crolles 2 et de ne pas forcer les élus à mettre un maximum d’argent sur une opération dont on ne connaît pas encore les tenants et les aboutissants.

Il y a eu effectivement un fort retour de Taxe Professionnelle. Je ne vais pas revenir sur cette question déjà longuement évoquée : il y a eu un fort retour de Taxe Professionnelle pour les collectivités locales. Cette Taxe Professionnelle –ça a aussi été dit, mais j’ai envie de dire, de manière presque inversée- provient essentiellement d’une forte capitalisation sur ce site de Crolles, une forte capitalisation qui est peu créatrice d’emplois par rapport à l’argent investi. Vous avez dit, Madame Fioraso, que la Taxe Professionnelle par emploi est d’à peu près 28 000 €, soit 15 fois plus que dans les industries traditionnelles (1 800 € par emploi en moyenne). Mais justement, c’est bien la preuve qu’il ne faut pas non plus se leurrer. Par rapport à l’investissement que l’on a mis sur Crolles, il n’y a pas énormément d’emplois.

La critique majeure que l’on peut donc faire sur ce dossier, c’est l’aide publique. Elle est massive. Elle est d’à peu près 450 millions d’€ d’aides sur la convention Crolles 2. Vous avez dit que c’était 15%. Non, 15%, c’est la part des collectivités locales, la part totale d’aides publiques (Etat + collectivités), c’est le tiers de la convention !

Même en acceptant la logique communément admise d’un emploi indirect créé pour un emploi direct (théorie reprise par le cabinet Reverdy) : on est à plus de 50 000€ d’aides par emploi et par an sur Crolles, ce qui est énorme !

En plus, les emplois créés sont des emplois très qualifiés. Il ne faut pas voir uniquement les Bac+8, +9, il faut regarder les Bac +2 et plus. C’est trois quarts des emplois du site de Crolles ! On se doute bien que ces emplois là ne sont pas ceux qui ont le plus de difficultés à trouver du travail sur le marché de l’emploi. En tous cas, clairement moins que les bac –2 !

Alors évidemment, on pourrait se dire que ces emplois créés, par effet induit, par ruissellement, en ont créé d’autres et que cela bénéficie à tous les emplois. Mais, moi j’ai bien lu le rapport Reverdy… et ce n’est pas ce qu’il dit ! "Les emplois induits -de l’ordre de 8 000- ne sont pas supérieurs aux emplois induits dans d’autres secteurs" Alors bien sûr, dès que l’on crée un emploi, cela crée de l’emploi par effet induit. Mais la vraie question est : Est-ce que Crolles en crée plus que d’autres ? A priori : non.

Sur les effets de ruissellement, c’est à dire sur la capacité à créer des emplois dans d’autres secteurs industriels, ils n’ont pas été obtenus pour deux raisons : l’hyper-spécialisation de cette filière et surtout, ce qui est le principal problème, parce qu’il a peu d’effet aval, c’est à dire de création d’emplois en production. On reste bien sur de la Recherche et Développement.

On est donc sur un secteur qui s’est concentré sur la recherche et dont les acteurs ont fait le choix d’externaliser leur production pour mieux produire de manière expérimentale en lien avec la recherche, sachant que 2 des 3 partenaires de l’Alliance Crolles 2, ont bénéficié de cette recherche et ont quitté le site dès la fin de la convention 2004-2007 !

Vous avez cité le fait que ST était encore dans une logique de production. Mais moi je suis allé voir les analyses financières et ce n’est pas la logique développée par ST à l’avenir. ST est actuellement dans une stratégie dite "fab-light", c’est à dire de peu de production, et devrait passer à une stratégie dite "fab-less". Ayons donc le bilan partagé sur ces aspects là !

On en vient donc à une nouvelle Alliance proposée et ce qui est particulier sur cette nouvelle Alliance, c’est qu’elle intègre d’une part un partenaire public – le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA)- et d’autre part une très grande entreprise américaine – IBM. Le fait que le CEA intègre directement la nouvelle Alliance est surprenant. Le CEA était déjà le partenaire principal de Crolles 2 : un tiers de la recherche du CEA bénéficiait directement à Crolles, d’après le cabinet Reverdy. Or, l’argent public finance directement le CEA puisque c’est un établissement public. Et nous allons passer une deuxième fois avec de l’argent public en subventions sur une convention. Cela pose toute la question de la stratégie du CEA, qui semble être rentré à reculons sur cette nouvelle convention, poussé par l’Etat.

Concernant IBM, c’est l’entreprise qui dépose le plus de brevets, toutes catégories confondues, aux Etats-Unis. Je reviens sur ce qu’a dit Patrice Voir : il est clair qu’IBM intègre l’Alliance pour bénéficier de la recherche publique. Ca pose évidemment la question de l’intérêt d’IBM qui n’a aucune unité de production dans le secteur en Europe et qui n’a manifestement pas l’intention de changer de stratégie. Mais à travers IBM, c’est toute la problématique du développement de cette filière qui est posée. D’après l’étude effectuée, l’Alliance a effectivement généré une grosse activité en Recherche et Développement mais il n’y a pas de production aval, ni directe ni par effet de ruissellement.

Pour conclure, je dirai que nous avons intérêt à ce que le secteur des micro-conducteurs reste actif sur la région grenobloise mais il faut être lucide et ne pas dépenser l’argent sans contreparties effectives. Il ne faut pas oublier que le développement de cette filière se fait dans un secteur très concurrentiel, que la place grenobloise –même si l’on est grenoblois et que l’on aime bien valoriser ce qui se fait ici- est une infime partie du marché mondial et que nous subirons les aléas de la mondialisation, comme les autres, que le développement de cette filière bénéficie peu à l’ensemble de l’industrie qui est globalement en perte de vitesse en Isère en ce moment (si elle n’était pas compensée par cette filière là) et que cette filière est donc très fragile.
D’autre part, les subventions proposées semblent très importantes, voire trop importantes, au regard de l’emploi créé. Il faut donc mettre des conditions strictes dans la future convention qui garantissent les bases d’un développement local durable, notamment en terme de création d’emplois. Il faut aussi garantir que la recherche publique effectuée par le CEA –parce que c’est bien un établissement public- permette le dépôt de brevets publics et non de brevets déposés par IBM aux Etats-Unis.

Je vous remercie.

Débat sans vote.




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